Dix habitudes en BASE pour vous aider à rester en vie et profiter de ce sport pendant des années…
Texte original par Skydivemag et traduction par Roch Malnuit.
Le BASE est risqué. Certains comportements peuvent en réduire les dangers. Ici, je m’appuie sur mes expériences en gestion des risques et en BASE pour vous transmettre des habitudes essentielles qui maximisent les chances de profiter d’une longue carrière sans accidents dans le BASE…
- Soyez conscient de vous-même
Le plus grand danger auquel vous serez confronté dans le BASE est de sur-estimer votre niveau de compétence. Ce sport est particulièrement trompeur à cet égard. En haltérophilie ou en escalade, il est difficile de se mentir à soi-même. Dans le BASE, on peut s’en sortir souvent par chance… jusqu’à ce que les lois des probabilités finissent par rattraper leur retard.
Chercher un mentor compétent est une évidence, mais l’autoévaluation est tout aussi cruciale. Pour ma part, l’habitude qui fonctionne est de m’évaluer à la troisième personne, comme si je donnais des conseils à quelqu’un d’autre, et de noter ces observations dans mon carnet de sauts. Cela amène des questions essentielles : de quoi ce sauteur a-t-il besoin pour s’améliorer ? A-t-il l’expérience nécessaire pour s’attaquer à cet objectif ?
Les réponses obtenues ne sont souvent pas agréables, mais elles sont proches de la vérité.
- Appliquez systématiquement les retours
Vous pouvez suivre un cours de premier saut avec le meilleur coach du monde, mais si vous n’appliquez pas ce que vous avez appris, vous n’en retirerez pas grand-chose. Notez les conseils, planifiez un moyen de les pratiquer et définissez les critères de réussite.
Quand j’ai commencé à faire des sauts périlleux arrière (gainers) au départ, ils étaient corrects mais pas exceptionnels. On m’en a fait la remarque. Je suis alors allé dans une salle de sport avec pour objectif de réaliser “100 gainers parfaits” avant de refaire un gainer en BASE. Cela m’a beaucoup aidé.
- Trouvez le juste équilibre de confiance
La confiance en BASE est un jeu complexe. Nous voyons des vidéos d’exploits incroyables, ce qui peut nous inspirer, mais aussi nous donner un sentiment de FOMO (peur de manquer quelque chose) ou nous faire sentir moins compétents. En manque de confiance, notre premier réflexe est parfois de tenter un exploit pour prouver notre valeur : une situation risquée.
À l’inverse, après quelques jours de wingsuit sur des départs techniques, l’effet opposé peut se produire — on se sent invincible, comme un dieu. Ce sentiment de “peu importe ce qui se passe, je gère”. C’est souvent là que l’on finit par payer le prix.
Il faut trouver le juste milieu entre la peur excessive et l’arrogance. Si vous ne savez pas encore où se situe cet équilibre, alors cherchez-le dans un environnement moins risqué (comme le parachutisme) jusqu’à pouvoir “le sentir” intuitivement.
- Laissez la caméra à la maison
Je me servais rarement d’une caméra au début, et j’ai complètement arrêté après avoir vu un ami mourir en direct sur Facebook en 2016. La vidéo peut être un outil d’entraînement et de débriefing utile, certes, mais elle est souvent superflue. Vous ne vous filmez pas en train de conduire, de cuisiner ou de méditer — pourquoi le faire en sautant ? Avoir confiance en soi sans rechercher l’approbation des réseaux sociaux est bien plus gratifiant.
Mettez plutôt l’accent sur le carnet de sauts. Vous pouvez y consigner vos réflexions et observations, ainsi que celles des autres. Élaborez votre stratégie de progression. Écrivez votre plan de saut pour pouvoir le relire là-haut quand l’adrénaline monte. Parfois, les méthodes simples et éprouvées sont les plus efficaces.
- Souvenez-vous que le BASE est différent
Un phénomène courant chez les pilotes de wingsuit expérimentés qui passent du parachutisme au BASE est de se sentir surpris par les différences. Soudain, des éléments secondaires en parachutisme deviennent cruciaux. Il est important de se poser les questions suivantes :
- Ai-je maîtrisé le vol « vers la cible » avec un angle d’attaque adéquat, afin que de petits ajustements offrent une grande séparation immédiate avec le relief ?
- Puis-je déployer mon parachute de manière régulière depuis un vol complet ou presque, tout en restant parfaitement symétrique ?
- De combien d’altitude ai-je besoin pour atteindre la finesse maximale en plané ?
- Comprends-je le comportement de dérive de ma combinaison en virages ?
Surtout avec les wingsuits, mieux vaut considérer le parachutisme et le BASE comme deux activités complètement distinctes. Il est essentiel de maîtriser le premier avant de simplement envisager le second.
- Parachutisme et simulateur de chute libre
Ce qui m’amène au parachutisme. Ne pas faire de parachutisme avant de pratiquer le BASE est insensé, tout le monde le sait. Ces centaines de sauts répétitifs pour maîtriser le contrôle de la voile vous sauveront la vie. Expérimenter les réglages de freins (y compris le DBS), maîtriser le contrôle par élévateurs, se remettre de torsades de suspentes, réussir les atterrissages précis — tout cela est absolument nécessaire.
Tout le monde sait également — mais tout le monde ne le fait pas — que continuer le parachutisme tout au long de sa carrière en BASE est tout aussi essentiel : pour garder la main, tester du matériel lorsque le BASE n’est pas possible, etc.
Un autre élément d’entraînement est le simulateur de chute libre. Ce n’est pas au goût de tous, et cela ne vous apprendra certes pas à faire du tracking, mais pour comprendre rapidement les performances aérodynamiques de votre corps, il n’y a rien de mieux.
- Devenez un expert en équipement
Achetez votre matériel tôt, et achetez-le neuf. Ensuite, apprenez à le maîtriser. Est-ce que vous vous entraînez à plier votre parachute dans différentes configurations juste pour le plaisir ? Avez-vous déjà passé un week-end pluvieux à ne faire que des pliages, pour améliorer votre rapidité et votre précision ? Avez-vous un avis sur la difference de longeur de drisse entre 8 pieds vs 10 pieds ? Connaissez-vous toutes les fonctionnalités de votre Flysight ?
La peur de l’équipement est réelle, et elle disparaît seulement en se familiarisant avec le matériel que vous utilisez.
- Comprendre le rapport entre risque, temps et argent
Les montagnes ne sont ni justes ni injustes, elles sont simplement dangereuses.
— Reinhold Messner
On pourrait dire la même chose du BASE : c’est simplement une activité risquée, ni plus, ni moins. Vous pouvez maintenir le risque à un niveau gérable si vous investissez du temps et de l’argent dans une progression graduelle.
À un moment donné, cela devient difficile à faire. Les priorités de la vie changent. Le temps et l’argent sont des ressources limitées. Quand ce moment arrive, il faut accepter qu’il y a des objectifs que vous ne réaliserez peut-être jamais et que votre carrière en BASE aura, sinon une fin, du moins une limite. Et c’est une bonne chose.
- Restez à jour et préparez chaque saut
Beaucoup de gens que je connais sautent de manière intermittente à cause des obligations familiales ou autres. Cela augmente évidemment les risques, parfois même au point de devenir injustifiable.
D’autres concentrent leurs sauts sur de courtes périodes en enchaînant les sauts. Cela donne effectivement un sentiment de « courant », mais cela peut aussi nuire à l’attention portée aux détails.
À titre d’exemple : il y a quelques jours, j’ai vu une vidéo d’une personne percutant une paroi à La Mousse. Elle avait fait plus de 20 sauts dans les jours précédents. Plusieurs choses ont mal tourné lors de ce saut en particulier, mais la première chose que le sauteur mentionne est qu’il a oublié avoir plié son parachute avec des freins profonds. Il avait fait ce pliage quelques jours plus tôt en prévoyant une sortie différente. Puis, les plans ont changé, et il n’a pas su s’adapter.
La façon la plus sûre de pratiquer le BASE est… de ne pas en faire du tout. La meilleure solution suivante est de devenir un sauteur en BASE à part entière : être régulier, s’entraîner et sauter fréquemment, et accorder à chaque saut l’attention nécessaire. Quand vous ne pouvez plus faire cela, il est peut-être temps de vous tourner vers une autre passion.
La façon la plus sûre de pratiquer le BASE est de ne pas en faire du tout.
- Gardez une perspective
Quelle est la chose la plus incroyable que vous ferez jamais ? Peut-être un saut pour la télévision depuis Trollveggen, un vol en proxy depuis l’Eiger, ou un saut encore plus radical que je n’imagine même pas.
Mais, pour un nombre croissant de personnes dans la communauté BASE « mainstream » (si on peut dire), la chose la plus incroyable que nous ferons sera autre chose. Nous lancerons une entreprise. Nous créerons de l’art ou écrirons un livre. Nous construirons une relation unique ou élèverons des enfants formidables. Nous aurons un impact en faisant du bénévolat.
L’idée est donc de rester en vie suffisamment longtemps pour réaliser toutes ces choses. La façon la plus enrichissante de profiter du BASE, pour moi, n’est pas comme un test de soi ou une échappatoire, mais comme une source d’inspiration pour d’autres projets créatifs dans ma vie. Il se peut que ce soit la même chose pour vous.
© Photos Luanne Horting